En France, la société Onclusive remplace 209 de ses collaborateurs (sur 447 au total) par un logiciel d’intelligence artificielle. Aux États-Unis, le journal Columbus Dispatch écrit à propos de l’équipe de football locale qu’elle “évite les freins et passe à la vitesse de la victoire.” Ça ne veut rien dire ? Peut-être parce que le journal en question a déjà remplacé ses journalistes par une IA. Dans bien des secteurs, la révolution promise par Chat GPT a déjà eu lieu. Alors, qu’est-ce que l’IA apporte aux métiers de la Tech ?
Un nouveau cycle
Selon l’économiste Joseph Schumpeter, l’innovation est cyclique, c’est ce qu’il appelle une “destruction créatrice”. Autrement dit, il faut faire table rase des productions obsolètes pour reconstruire le marché avec de nouvelles solutions. L’IA générative serait ainsi le début d’un nouveau cycle, comme tant d’innovations avant elle. C’est l’analyse de Nicolas Chesneau, Head of Innovation chez Ekimetrics. “L’innovation a toujours fait peur : radio, téléphone, télévision, autant d’inventions ‘du diable’, comme le titrait la presse de l’époque. Alors, oui, l’IA générative va transformer beaucoup de métiers. Elle détruira des emplois pour en créer de nouveaux.”
Si l’IA est amenée à bouleverser nos métiers, c’est à nous de nous adapter pour en tirer le meilleur parti. “J’ai une vision très positive des choses, car l’IA va dégager du temps aux développeurs, analyse Jacopo Chevallard, Head of Science and Innovation chez Bloom. Les développeurs doivent apprendre rapidement à gérer des assistants virtuels qui écriront le code pour eux. Il faut donc adapter notre métier à travers de nouvelles formations.” En dégageant du temps aux développeurs, l’assistant virtuel ne serait plus qu’un outil aux services des tâches les plus répétitives. “Les développeurs pourront se concentrer sur des tâches qui échappent complètement aux IA génératives : l’abstraction et la création”, abonde en ce sens Stéphane Roder, CEO de AI Builders.
Une révolution dans l’éducation
L’IA générative rebat complètement les cartes de l’enseignement prôné par les institutions. Car les cours théoriques, jusqu’ici transmis par les professeurs, pourront être assurés par les IA.
Ce qui est incroyable avec Chat GPT, c’est que nous pouvons discuter avec lui, et lui poser toutes les questions que nous voulons, même les plus stupides. Il reformulera toujours pour nous faire comprendre ce qui nous échappait jusqu’ici, et sa patience, contrairement à un humain, est infinie”
Igor Carron, CEO de LightOn.
Un enseignement asynchrone serait ainsi possible, avec une partie théorique assurée à domicile par l’IA et une partie pratique avec des professeurs dans un établissement scolaire. De nombreuses formules restent à imaginer.
“Chat GPT va aplatir les courbes d’apprentissage des métiers de la Tech en démocratisant le savoir, affirme Jacopo Chevallard. Et la possibilité de co-construire avec l’IA des contenus qui ne sont pas encore clairs dans notre tête est d’une importance capitale.” Le problème qui subsiste est évidemment celui des biais algorithmiques. Comment garantir la neutralité des IA dans l’enseignement et l’éducation ? “Les biais sont un risque pour les utilisateurs, mais pour la première fois, nous avons un débat autour de ces questions avec des mesures précises pour quantifier les problèmes et y répondre”, avance Jacopo Chevallard. Là encore, tout reste à construire.
Risques cyber, espionnage industriel et souveraineté
Les algorithmes d’IA générative utilisent un grand nombre de données pour se perfectionner. Le machine learning repose justement sur la quantité et la qualité des données ingérées par le système. Cette utilisation des données pose encore des problèmes légaux, comme le pointe Igor Carron : “OpenAI a utilisé les données de ses clients, comme Jasper, pour construire GPT3 qui, ironie du sort, concurrence maintenant ses clients. C’est un exemple parfait du problème de la propriété intellectuelle avec les IA génératives.” En effet, à chaque prompt sur sa plateforme, OpenIA récupère des données et des savoir-faire.
La question de la souveraineté est ainsi très importante, parce que l’intelligence artificielle se retrouvera progressivement dans tous les départements de toutes les organisations. Une volonté politique de co-construction est donc nécessaire pour développer des algorithmes souverains, afin que les savoir-faire des entreprises françaises ne partent pas à l’étranger.
“Beaucoup d’entreprises ont interdit l’accès à ChatGPT, parce que toutes les données partent aux États-Unis, précise Nicolas Chesneau. Ce système donne déjà une avance d’au moins cinq ans à OpenAI.” Mais avec la nouvelle loi de régulation sur les IA, la Commission Européenne pourrait bien contraindre les développeurs à la transparence sur leurs algorithmes. Ce qui permettrait de contrôler la provenance des données d'entraînement. Mais, comme le conclut Nicolas Chesneau : “Nous sommes plongés dans une science en balbutiement. Nous observons tous les jours des phénomènes que nous ne comprenons pas encore.” Une chose est sûre : l’IA n’a pas fini de bouleverser les métiers de la Tech.
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